L’influence des réseaux sociaux sur la société : algorithmes et dépendance
Réseaux Sociaux sont des outils devenus omniprésents
Depuis leur apparition au début des années 2000, les réseaux sociaux ont bouleversé notre façon de communiquer, de nous informer, de nous divertir et finalement de penser. Avec des plateformes comme Facebook, Instagram, TikTok, Snapchat, X (ex Twitter), LinkedIn ou YouTube qui comptent des milliards d’utilisateurs actifs dans le monde, leur essor rapide s’appuie sur une technologie à la fois puissante mais invisible : les algorithmes.
Destinés à nous montrer ce que nous sommes susceptibles d’aimer, ils optimisent notre expérience de navigation en ligne… mais à quel coût ? Sous la faveur d’une simplicité apparente, les réseaux sociaux masquent une stratégie complexe pour capter et garder notre attention le plus longtemps possible. Cette course à l’engagement a complètement modifié notre rapport au temps, à l’information, aux autres… et finalement à nous-mêmes.
Il ne s’agit plus seulement d’une question de confort ergonomique ou de choix technologique mais d’une question de santé mentale, de comportement social et d’équilibre démocratique. Ce sera le but de notre article.
Les algorithmes : des machines invisibles au gouvernail de nos écrans
A. Qu’est-ce qu’un algorithme de réseau social ?
Un algorithme est, en informatique, un ensemble de règles permettant d’automatiser des décisions. Dans le cas du réseau social, il va analyser nos comportements numériques — likes, commentaires, partages, temps de visionnage d’une vidéo, interactions avec un profil… — afin de deviner ce que vous désirez voir, pour vous le proposer sous forme de contenus peut-être personnalisés.
Ce mécanisme si fortement utile pour trier le flot d’informations pléthoriques nous propose en réalité une bulle personnelle à tout un chacun.
B. L’économie de l’attention : l’utilisateur est un produit
Les réseaux sociaux sont gratuits à l’utilisation, mais il n’y a rien de gratuit : l’utilisateur paie son temps d’attention et ses données personnelles. Les entreprises telles que Meta, Google ou ByteDance (TikTok), se construisent un bénéfice auprès des annonceurs qui vont être plus capteurs des publicités ciblées leur étant soumises, car plus vous êtes longtemps sur l’application, plus vous avez la possibilité de voir des publicités, et plus vous serez créateur de richesses.
C’est donc pour cela que les algorithmes sont conçus pour nous rendre accros, non pour nous montrer ce qui est bon pour nous, mais ce qui fait qu’on reste.
Des mécanismes d’addiction particulièrement bien maîtrisés
A. Le scroll infini : arme fatale de l’addiction numérique
Le scroll infini (ou « infinite scroll ») est un design qui permet de faire défiler sans fin les contenus, sans avoir besoin de cliquer. Apparue chez Facebook puis démocratisée par Instagram, cette fonctionnalité élimine les points d’arrêts naturels et rend la navigation ininterrompue, quasi hypnotique.
Ajoutons à cela les notifications push, les likes visibles, les récompenses aléatoires (à la TikTok) qui sollicitent les mêmes circuits neurologiques que les jeux d’argent. Ces dispositifs provoquent une sécrétion de dopamine, l’hormone du plaisir, qui conditionne le comportement et entraîne à revenir.
B. Le renforcement social : besoin de validation
Les plateformes viennent s’ajouter à notre besoin humain d’appartenance et de reconnaissance sociale. Likes, commentaires, partages… tous ces signaux nous apportent une forme de feedback immédiat sur notre image.
Et avec cela, beaucoup de personnes peuvent développer ce qu’on appelle une « pathologie du décompte », épiant en temps réel le nombre de vues, de réactions ou de nouveaux abonnés. Cette addiction à la reconnaissance, particulièrement forte chez les adolescents et les jeunes adultes dont la construction identitaire est très instable, est très centrale dans la formation de l’identité numérique.
Le troisième point : l’impact supplémentaire sur les dimensions psychologiques et sociales de l’addiction.
A. Diminution de la concentration et surcognition
En moyenne, une personne consulte son téléphone plus de cent fois par jour. L’exposition constante à des contenus courts, variés, stimulants réduit la capacité d’attention. Cela rend de plus en plus difficile de se concentrer, de lire en continu ou d’effectuer une tâche complexe sans être distrait.
En parallèle, l’infobésité (l’excès d’informations) apporte une fatigue mentale importante, et le sentiment de “trop plein” d’images, de vidéos, d’actualités.
B. Troubles du sommeil et anxiété
Plusieurs études montrent le lien entre l’usage compulsif des réseaux sociaux et les troubles du sommeil, en particulier chez les adolescents. La lumière bleue des écrans perturbe le rythme circadien, alors que l’habitude de regarder son téléphone au lit excite le cerveau à un moment où il devrait être calmé.
La pression du groupe, le sentiment de rater quelque chose (FOMO : « Fear of Missing Out »), ou encore la comparaison incessante à autrui entraînent anxiété, jalousie et dépression.
C. Isolement paradoxal
Les réseaux sociaux affirment mieux nous connecter… mais nous isolent. Heureux de passer des heures en ligne au détriment du temps passé en interactions réelles, en famille, entre amis ou en activité physique d’abord.
Ce paradoxe « plus connecté mais moins présent » réside au cœur des effets néfastes des réseaux sur la santé mentale.
IV. Conséquences sur la société : bulles, polarisation et manipulation
A. Les bulles de filtre
Les algorithmes nous montrent ce que nous aimons déjà. Enfermant de cette façon l’utilisateur dans ses propres croyances — le mème disons. Un phénomène de bulle se crée autour de l’utilisateur, rarement confronté à des oppositions, il renforce, modérément souvent, ses croyances acquises tout en perdant sa tolérance au débat.
Pour des sujets épineux (politique, climat, santé…) ce phénomène pourrait exacerber les idées et tensions sociales.
B. Une mise à mal de l’opinion publique.
Ces mécanismes peuvent être détournés par certaines entreprises ou États pour manipuler l’opinion publique. D’autres exemples d’une utilisation malveillante des algorithmes concernent la désinformation en matière de vaccins, l’ingérence dans les élections (Cambridge Analytica), et la désinformation relayée dans certains réseaux sociaux comme Twitter, devenu X, et Facebook. On voit donc que des algorithmes peuvent être mobilisés pour contrôler le débat public.
Leurs contenus mensongers ou à forte charge émotionnelle étant plus « engageants » que les autres, ils sont davantage exposés, au détriment du débat public, de la démocratie.
V. Comment réduire l’impact des algorithmes et de l’addiction ?
A. Au niveau individuel : retrouver son contrôle.
Limiter son temps d’écran par des applications comme Forest, StayFocusd ou Digital Wellbeing.
Désactiver les notifications non urgentes.
Se fixer des moments sans téléphone (repas, coucher, période de travail).
Consommer de manière plus active des contenus longs, nourrissants, non algorithmisés, comme des livres, podcasts et documentaires.
Prendre conscience que ce que l’on voit n’est pas neutre, que cela a été trié par un algorithme.
B. À l’échelle collective : réguler les plateformes
Augmenter la transparence par rapport aux algorithmes mobilisés.
Limiter le traitement des données personnelles (RGPD en Europe).
Développer des algorithmes éthiques orientés utilisateur.
Encourager les alternatives non addictives : réseaux sociaux dits décentralisés, sans publicité (ex. : Mastodon, BeReal, etc.).
C. À l’échelle scolaire : former les jeunes à l’usage du numérique
Il est urgent d’intégrer dans les écoles une éducation à l’usage du numérique :
Comprendre le fonctionnement des algorithmes.
Développer l’esprit critique face à l’information.
Inciter à une utilisation éclairée de l’écran, non passive.
L’algorithme, un artefact dystopique façonnant nos désirs
Le problème n’est pas le réseau en soi, mais ce qu’il provoque… le réseau social n’est pas l’ennemi, mais l’une des formes de la violence du désir. Ce n’est pas l’algorithme qui nous pose problème, mais ce qu’il amplifie… nos désirs, nos affects, nos biais cognitifs.
L’addiction aux écrans n’est pas le fruit d’un hasard, mais d’une manipulation bien organisée, laquelle nous fait revenir encore et encore vers l’écran sans que nous ayons conscience de cette attraction. L’un des antidotes à cela serait d’apprendre à maîtriser (au sens de savoir se maîtriser). Presque un défi de notre époque.
Savoir utiliser les réseaux sans se laisser utiliser, voilà sans doute l’enjeu majeur de la connectivité.